- Derrière les Jeux - avec Morgan TROUSSARD, joueur de volley assis aux JP 2024

Quand avez-vous commencé le volley assis ? 

J’ai commencé le volley en 2015, mais le volley assis en mars 2016. J’étais un des premiers recrutés au début du projet. Dans les joueurs de l’équipe de France, je suis le seul de cette période.  Au début c’était un sport secondaire car je faisais de la natation puis le volley assis est devenu prioritaire, donc j’ai arrêté la natation. 

Pourquoi avoir arrêté la natation ? 

Car le volley me plaisait plus. Surtout au fur et à mesure que je m’améliorais. Et les différents projets me plaisaient aussi, les championnats d’Europe, les potentielles coupes du Monde, les Jeux bien évidemment. Entre faire de la natation au niveau national et faire des compétitions de volley à l’international, le choix était vite fait.  

Quelles sont les différentes qualités requises pour votre sport ? 

Il faut une bonne communication. A la base je suis très introverti, donc la natation ça m’allait (Rires) ! S’il n’y a pas de communication, c’est compliqué. Ça m’a appris à m’ouvrir aux autres. Il faut aussi une bonne explosivité et lecture de jeu. Il faut savoir anticiper ce que va faire l’adversaire pour être le meilleur possible, chose que je n’avais pas dans la natation et que j’ai appris avec le volley. 

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans le volley ? 

Le fait que ça soit ludique. Pour la natation, on est là pour la perf, si on ne l’atteint pas on peut être déçu alors que dans le volley, je le prends plus comme un jeu et même si on perd le point, il peut y avoir des choses que l’on a bien faites et continuer comme ça car au bout d’un moment ça va passer. Tout ne se joue pas sur un seul instant, la natation tu t’entraines plusieurs heures pour peu de temps dans le bassin. Le côté collectif est devenu important également. Mais aussi de le partager avec des personnes qui ont des choses en commun avec moi au niveau du passé.  

Comment se passe la sélection ?  

C’est comme une sélection normale ça se passe par rapport à tes résultats ton investissement etc... .  Mais pour que la nation participe, il faut participer aux compétitions World Para Volley. Et nous on ne faisait que les Para Volley mais Europe. Donc cette coupe du monde se passait au Caire, mais on ne pouvait y envoyer que 14 joueurs. Au début on était un groupe de 16, il en faut 12 pour les Jeux. La sélection en off a dû se faire vers mai 2024 et officiellement en juillet.  

Comment gérez-vous la montée d’adrénaline lors de moments cruciaux ?  

Il faut arriver à se focus sur ce que l’on a à faire et retenir que l’adversaire peut bien défendre, bien jouer où il faut pour contre carrer notre système de défense ou de réception. Moi pour les Jeux, j’ai longtemps travaillé mentalement parce que je suis quelqu’un qui se met beaucoup la pression. Mais je pense avoir réussi avec la prépa mentale à désacraliser le moment. Comme si c’était un match lambda. Tant que j’étais dans la concentration, je n’avais pas de pression. Après quand on se fait marteler à la tête au bout d’un moment la concentration c’est compliqué (rires) et là on ressent la pression. Mais la plupart du temps j’ai réussi à gérer la pression.  

Au tout premier match, le terrain de chauffe est sous les gradins. Donc tu entends les gens qui tapent des pieds, ça résonnait et là je me disais que ça allait être chaud. Mais dans le couloir pour rentrer, tout est parti. On est allé voir un match, on avait des supporters allemands à côté, on a échangé, vraiment rigolé, un bon moment de partage! J’étais content, j’avais juste une hâte, c’était de jouer le match et profiter du moment.   

Il y a une semaine on a gagné la Bronze Nation League que l’on n'avait pas gagné depuis 3 ans. Je savais qu’on pouvait la gagner, je ne me suis pas mis la pression. J’ai joué, le collectif a bien joué et du coup on a gagné. Bon, aux Jeux c’était un peu compliqué de performer contre des mecs qui font ça depuis très longtemps et qui sont professionnels (rires). Et c’est un beau parcours, on était là pour la promotion du volley assis, le but était de faire les plus beaux matchs possibles pour donner envie aux gens. On avait plus la vision de s’amuser et profiter du moment tout en faisant les meilleurs résultats possibles et plus on avançait plus c’était du bonus.  

C’étaient vos premiers Jeux Paralympiques, comment les avez-vous vécus ? 

C’était un truc de fou. Déjà, deux semaines avant on était en stage, donc on était déjà dans notre bulle. Mais je pense que je n’ai pas réalisé avant d’en parler après les Jeux. C’était incroyable, quand j’y repense, on était les personnages principaux et tout tournait autour de nous, c’était indescriptible. Le village, les bénévoles ... Il y en a un dans mon équipe qui nous a dit “En fait on est à Disney mais sans les attractions”. Les bénévoles étaient trop sympas, pourtant, certains ne faisaient pas des tâches hyper cools mais ils avaient le sourire. 

Je sais qu'au volley assis, on avait un grand capital sympathie parce qu’on était tout le temps souriant.  

À la cérémonie d’ouverture, on nous amène en bus au niveau de l’avenue des Champs Elysées, on avait 300 motards autour qui mettaient les sirènes. Avant d’arriver, on commence à marcher et il y avait des milliers de personnes qui nous acclamaient. Sur le coup, tu ne comprends pas. Les gens ne te connaissent pas mais sont trop dingues, ils veulent te checker etc. C’était un moment hors du temps. Pour la cérémonie de clôture on était moins proches des gens mais ça n’a pas empêché qu’ils soient à fond. Un moment, avec une bonne partie de la délégation France on s’est tous levés et c’était le bazar, on est allé checker le public. Aussi le club France c’était incroyable. On nous a dit après notre dernier match et notre intervention à la télé : “Vous allez défiler sur le podium”. On était les deux équipes hommes et femmes plus les staffs, les gens étaient fans, ils ne nous connaissent pas, on ne sait même pas s’ils ont vu notre épreuve, mais c’est une grande dose d’amour qui fait du bien. Je n’avais jamais ressenti ça. Moi qui aime être discret, j’ai trop aimé. On a redéfilé à la fin après la cérémonie de clôture au club France. C’était plein a craquer et on était les 200 athlètes. C’était dingo il y en a qui sautaient dans le public, il y avait un canoë gonflable qui faisait le tour du club France avec des personnes dedans, des dédicaces de partout...  

Ce n’est pas trop compliqué quand tout s’arrête ? Pas de blues des JO ? 

Franchement moi ça ne m’a pas plus affecté plus que ça car comme je l’ai dit je suis quelqu’un de plutôt discret. J’en parle avec nostalgie mais ce n’est pas forcément quelque chose qui me manque. Je sais que dans l’équipe, certains le vivent moins bien, il y en a un qui est parti un peu plus tôt il nous a dit “Faites gaffes les gars quand vous sortez vous ne pouvez pas payer avec le badge Coca pour avoir des boissons” (rires).  

On ressent beaucoup que vous avez vécu un moment incroyable et merci de nous partager ça, mais est-ce qu’il y a eu des moments un peu plus durs ?  

Je n’ai pas souvenir de moments durs ou tristes. On n'était pas triste de se quitter parce que l’on savait qu’on se revoyait deux semaines après pour un stage. Sauf la famille qui manque surtout quand on les voit en tribunes, mais on les voit après dans la family zone. Ça faisait trois semaines et demie qu’on était ensemble, je sais qu’après le dernier match, je vais dans la family zone, je vois ma copine et je craque alors qu’avant je n’avais pas craqué. Je pense que tout est retombé d’un coup. Ce n'est pas un moment dur mais la décompression d’un coup fait du bien. 

Est-ce que vous pensez que les Para ont été différents des précédents ? 

Je ne sais pas trop. Pour en avoir parlé avec des gens qui en ont fait plusieurs, effectivement c’était dingue et même le président du Comité International Paralympique disait que Paris 2024 resteraient la référence car on a mis la barre vraiment haute et que les prochaines olympiades devront être pareilles.  

Et vous pensez que les paralympiades de 2028 le seront autant ? 

Los Angeles ça va être totalement différents, on verra des récaps plutôt que les épreuves en direct. Au niveau de la diffusion en France, ça va être compliqué. Mais pour les Jeux, les Etats-Unis vont avoir un certain égo à vouloir faire pareil, voire mieux. Ça ne peut aller que sur le positif. Et la vision du sport handicap s’améliore en France par rapport à quand j’ai commencé. Pour le volley assis, les gens voyaient des sportifs un peu novices en volley qui faisaient du para sport, ce n’était pas fou, donc il n’y avait pas trop d’encouragements. Maintenant je connais des gens qui critiquaient qui me disent “ah ouais, je comprends pourquoi tu as continué”. Le handicap c’est beaucoup plus clair pour pas mal de personne. Dans l’équipe on fait tous des interventions dans des écoles pour sensibiliser à ça, pour que les jeunes se mettent au sport et pour leur montrer que même si tu as une différence physique tu peux pratiquer du sport ça ne change absolument rien, tu peux trouver ton sport adapté et éventuellement rêver à aller vers le haut niveau, tout est possible.  

Qu’est-ce que cela vous a apporté personnellement ? 

Les paralympiques m’ont fait prendre conscience que j’avais une influence sur les gens, même autour de moi, qui viennent te recontacter en te disant “c’est exceptionnel ce que tu fais” “continues” etc. .... J’en ai reçu énormément. J’ai coupé les réseaux et messages pendant les Jeux, je ne répondais qu’à ma famille, et quand j’ai rouvert tout ça, je pense que j’ai passé trois jours à répondre à tout le monde. 

Et quel est votre meilleur souvenir ? 

Aux Jeux c’est vraiment dur car il y en a beaucoup. Hors sportif je dirais la cérémonie d’ouverture ou le podium. Et dans le sport les Marseillaises à chaque fois c’était dingue, quand tu as les trois quarts d’un stade qui chante avec toi ça donne les frissons.... Je n’ai pas pleuré, mais je sais que certaines chez les filles oui ! 

Est-ce que vous avez une petite anecdote marrante à raconter ? 

Une fois Karen (NDRL : Karen Faimali Meger de l’équipe de France féminine) était dans un ascenseur avec certains de l’équipe de Goalball, mais sans savoir que c’était eux, elle leur demande à quel étage ils vont et ils lui répondent au 9ème et elle leur dit “Ah bah vous devez avoir une belle vue !” et il y en a un qui lui répond ‘Bah on ne sait pas on est aveugle !” (Rires). Donc c’est plein de petits moments comme ça qui sont super drôles qui nous aidaient beaucoup à décompresser entre athlètes ! 

Après les JP quelles sont vos futures échéances ? Est-ce que l’on vous voit en 2028 ? 

Moi pendant toute cette période où j’ai pris le volley assis au sérieux et où je me suis investi (depuis 2018), j’ai vraiment tout mis entre parenthèses. Tout dépendait du calendrier, que ça soit les contrats de travail, mes relations personnelles, c’était assez difficile à gérer. Pour être sûr d’aller aux Jeux, j’ai complètement arrêté de travailler en juillet 2023. Je souhaitais reprendre une vie professionnelle. Aujourd’hui, j’ai repris un boulot en tant que responsable de service après-vente dans une entreprise de plomberie chauffagiste. 

Rien à voir avec le sport ! 

Rien à voir ! J’aurais bien voulu mais je n’ai pas les formations pour. Je voulais vraiment reprendre un travail donc c’est très bien. Pour ma vie personnelle, je suis avec ma compagne depuis un petit moment maintenant, qui a supporté tout ça (rires) parce que quand on s’est rencontré j’étais déjà dans ce projet-là ! Mais pour ceux qui étaient mariés avant de commencer, tout ça pouvait être un peu plus compliqué au niveau des emplois du temps, surtout quand il y a des enfants. En plus, pour certains, quand ils ont commencé le volley assis à ce niveau, leur carrière professionnelle était bien entamée, moi je n’étais encore qu’étudiant, aux entretiens d’embauche, dire directement les dates où tu n’es pas disponible ça repousse un peu.  

Quand on a gagné la Bronze Nation League j’ai prévenu le sélectionneur que c’était ma dernière, en tout cas, en tant que joueur de volley assis international permanent. Je peux revenir à quelques occasions s’il a besoin avec plaisir mais pas autant que ce que l'on vient de faire. Mais c’est vraiment une expérience à faire au moins une fois dans sa vie si on en a l’occasion. Je sais que certains ont le projet 2028 mais il y a aussi une question de budget. La fédération a mis beaucoup d’argent pour la préparation de ces Jeux notamment grâce à des subventions. Maintenant elle ne les a plus, ça reviendra pour peut-être pour 2028, et je l’espère pour ceux qui ont ce projet, mais ça dépend aussi des performances de l’équipe. On a prouvé qu’on avait passé un cap en gagnant la Bronze Nation League, ça faisait trois ans qu’on arrivait 2ème ou 3ème. On passe sur la Silver pour la saison qui arrive, les championnats d’Europe B qui arrivent dans un mois et demi et je pense qu’ils peuvent nous sortir des beaux matchs donc c’est vraiment encourageant ! 


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