Dans cette 5ème édition de "Derrière les Jeux", l'escrimeuse paralympique Cécile Demaude nous raconte son parcours, ce que l'escrime lui a apporté mais également ses plus beaux souvenirs !
Quand avez-vous commencé l’escrime fauteuil et où ?
J’ai commencé en 2003 en région parisienne dans le club de Plessis Bouchard dans le 95. Je suis arrivée au CAM Escrime de Bordeaux vers 2020. Après avoir fait les Jeux de Rio en 2016 dans mon club Le Masque de Fer à Lyon, j’ai voulu changer de club car je voulais complètement changer ma façon de m’entraîner et de faire. Le CAM Escrime m’a ouvert ses portes et donné toutes ses compétences ainsi que son suivi, que ce soit celui du Président Alexandre Diridollou, et les maîtres d’armes Clément Cambeilh et Romain Noble. Ils ont fait en sorte que je puisse m’entraîner comme il faut en venant 2 semaines complètes à Bordeaux par mois. Cela me permettait de ne pas avoir en tête autre chose que l’escrime.
Par quelle arme avez-vous commencé ?
J’ai commencé par le fleuret car mon premier maître d’arme était fleurettiste de base puis j’ai continué en parallèle avec l’épée qui est l’arme la plus facile à commencer quand on est adulte. La seule différence c’est qu’en handi, le bas du corps ne compte pas et il n’y a pas les conventions. Puis en 2021 je me suis mise au sabre car le CAM Escrime est un club plutôt de sabre. Je m’étais dit que pour ma carrière j’arrêterais après Tokyo mais je n’ai pas été sélectionné et avec le Covid, le parcours de sélection ne s’est pas terminé normalement car nous n’avons pas pu finir toutes les compétitions. Voyant arriver Paris 2024 je me suis dit qu’il fallait que j’y arrive. Puis vu qu’à la base je suis épéiste, j’avais envie de découvrir autre chose donc c’est pour ça que je me suis tournée vers le sabre. Aux Jeux j’ai participé en individuel au sabre, à l’épée et j’ai fait partie des équipes fleuret et épée.
Avez-vous fait d’autres sport avant l’escrime ?
Je suis en fauteuil depuis 1999, mais avant en valide j’ai touché à plusieurs sports tels que le tennis, le tennis de table, le handball, le basket, la gym. Mais jamais à haut niveau. Quand je me suis retrouvée en fauteuil, je me suis dit que ça serait bien de faire quelque chose. A l’époque c’était un peu plus compliqué, dû à la sclérose en plaque qui était encore plus lourde, donc j’ai cherché un sport que je n’avais jamais fait en tant que valide car la maladie a fait que j’ai perdu la sensation à droite et vu que je suis droitière de base, il a fallu réapprendre et je ne voulais pas un sport ou il y avait de la comparaison entre ma main droite et la gauche. J’ai découvert ce sport vraiment par hasard lors d’une démonstration par le biais de l’association des paralysés de France, j’ai essayé, j’ai accroché et j’avoue que la tenue blanche et le masque étaient sympathiques. Quelque part derrière le masque on est un peu caché, ça permet d’être quelqu’un d’autre, moi je suis quelqu’un de très introvertie donc le fait de mettre le masque ça devient un vrai combat et ça permet de se défouler et sortir des émotions que l’on n'a pas l’habitude d’avoir sans le masque. Je n’ai plus jamais quitté à partir de ce moment-là !
Quelles sont les valeurs de votre sport ?
Il y a le côté combat mais avec un profond respect pour l’adversaire. C’est quelque chose de très important. Dans l’Antiquité, quand on combattait avec une arme, c’était pour tuer l’adversaire. Là, le plus important c’est gagner bien sûr, mais dans le respect de la réglementation et de l’adversaire. On est là pour gagner mais aussi pour s’amuser, il ne faut pas l’oublier. Le sport, comme tout sport à la base c’est un jeu. La tenue blanche et ce respect ce sont pour moi des valeurs très importantes et ça se répercute dans ma vie personnelle.
Ce sont vos troisièmes Jeux après Londres et Rio, comment gérer vous les montées de stress et d’adrénaline ?
Déjà, ce n’est pas donné à tout le monde ! J’ai commencé l’escrime à 33 ans et quand j’étais petite, jamais je ne pensais faire les Jeux et encore moins plusieurs fois.
Pour Paris ça a été très différent des autres Jeux. Il y avait le fait d’être avec la famille, les amis, les personnes qui vous soutiennent, le public qui ne vous connait pas mais vous soutient, c’était vraiment top. Ça m’a permis de garder la tête froide. Ça a été un travail avec mes préparateurs mentaux mais j’essaye de garder le fait que c’est un jeu et que j’ai envie de m’amuser. Alors oui, on a envie de bien faire, encore plus à Paris, ne pas décevoir la famille, les amis, le public. La pression est là, c’est sûr, mais c’était mes troisième Jeux donc je savais où j’allais. Chaque compétition est différente. On la gère différemment mais j’ai toujours du soutien, tout avait été mis en place pour que ça se passe bien.
Même si ça n’a pas été ce que l’on souhaitait, finir 4ème c’est la place la plus difficile pour moi. Mais quand je fais des interventions avec des enfants et qu’ils me disent “On t’a vu à la télé, c’était super, tu nous as fait vibrer” c’était la récompense et ça apaise la peine de cette 4ème place. Et il faut être réaliste, c’est une compétition où on est tous là pour aller chercher l’or, mais ça fait partie du jeu !
Qu’est-ce que vous avez le plus aimé dans ces Jeux de Paris ?
Ce que j’aime dans les compétitions c’est le moment on je me retrouve face à face avec mon adversaire. C’est le moment où tu te mets en route, tu te motives, t’y crois le plus.
Après à Paris comme je l’ai dit c’est vraiment le public, il a été au top. C’est quelque chose que je n’ai pas vécu à Londres ou Rio. C’était assez marrant car sur les armes de conventions, il y en avait beaucoup qui ne connaissaient pas les règles mais qui étaient acquis à notre cause, et les arbitres se faisaient siffler par moment alors qu’ils avaient raison mais ça leur donné quand même le doute mais toujours dans la bonne ambiance ! Même nous, ça nous faisait douter par moment ! Et le cadre au Grand Palais c’était magnifique ! Ça a été une parenthèse enchantée.
Quels étaient les moments les plus durs ?
La 4ème place a été compliqué à accepter. C’étaient sûrement mes derniers Jeux donc il y avait l’intention de briller et on avait le potentiel et je suis assez réaliste en disant ça car ça ne s’est pas joué à grand-chose à chaque fois ! On y a cru jusqu’au bout et on a bien tiré. Ce sont des regrets sans être des regrets car il n’y en aurait pas eu si vraiment on était passé à côté. Mais on était vraiment une équipe soudée donc c’était fort de vivre ça ensemble.
Est-ce que vous pensez que ces Jeux Paralympiques ont été différents des précédents ?
Oui ils ont été différents pour les Français car ça se passait en France. Mais je trouve que ça a été une réussite aussi, à Londres c’était très bien aussi, Rio, un peu différent, mais là le public été présent pour nous ! Ils étaient là tous les jours.
Est-ce que vous pensez que ça va avoir un réel impact sur la mise en lumière du sport handicap et sur l’handicap tout court ?
J’espère, après on verra ! Moi ça fait plus de 20 ans que je suis en fauteuil, il y a eu des évolutions mais c’est encore lent. Je préfère rester sceptique pour ne pas être déçue. J’ai envie d’y croire mais il y a encore des choses ou on se dit “Ah, bah ils y ont pensé mais que pendant un temps...”. Même s’il y a plus de visibilité sur les personnes en situation de handicap mais ça devrait être plus une norme et non pas une exception.
Qu’est-ce que cela vous a apporté personnellement ?
Déjà la discipline en elle-même m’a permis de récupérer de la mobilité à droite, d’’être beaucoup plus autonome par rapport à mon handicap. Je voulais socialement me replacer. Au début en loisir, je ne travaillais plus. Puis j’ai performé, j’ai participé aux Jeux de Londres et de suite j’ai eu un but, ce qui était important pour moi lorsque je me suis retrouvée en fauteuil. On pense qu’on a tout perdu mais finalement non, c’est de l’adaptation, et j’ai trouvé ça dans l’escrime.
Ensuite, j’ai été déçue pour les personnes qui s’étaient investies auprès de moi, même si elles m’ont répété qu’elles étaient fières ! Donc je m’aperçois d’une certaine fierté car les gens sont bienveillants par rapport à tout ça donc je trouve ça top et j’ai envie de croire que ça va continuer dans le tout.
Ça m’a apporté des émotions et surtout le dépassement de soi.
Est-ce qu’il existe un blues des Jeux ?
C’est difficile de reprendre une vie normale oui ! J’ai pleins de questions qui se posent sur la suite de ma carrière. Je n’irai potentiellement pas jusqu’à Los Angeles mais s’arrêter d’un coup c’est compliqué. Je me laisse la porte de continuer et on verra sur la suite ! Je fais déjà pas mal d’interventions autour de ça donc c’est cool ! Mais je ne suis pas encore au moment où je retourne complètement dans la vie “normale”.
Quel est votre plus beau souvenir ?
C’est à la fois le plus beau et le plus dur mais c’est cette 4ème place avec mes coéquipières ou durant tous les combats on y a cru jusqu’au bout et cette équipe était fantastique comme je l’ai déjà dit ! Avec les filles on était au top !
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